- COMMUNAUTÉS (SOCIOLOGIE DES)
- COMMUNAUTÉS (SOCIOLOGIE DES)Les études de communautés visent à expliciter comment les groupes humains (quartier, village, association) résolvent les problèmes auxquels ils sont confrontés, compte tenu du lieu et de l’époque à laquelle ils vivent.L’analyse de quelques études de communautés représentatives permet de présenter un bilan des résultats obtenus et s’attache à répondre à deux questions: pourquoi et comment des chercheurs pénètrent-ils au sein de communautés afin d’en étudier la vie collective? Quelles chances ont-ils d’atteindre la vie «en profondeur» de ces groupes, d’en présenter une étude satisfaisante?Les recherches systématiques sur la nature et l’origine des communautés – rurales exclusivement – commencent en Europe vers le milieu du XIXe siècle, époque du développement d’un système économique nouveau, le capitalisme libéral.Querelles doctrinales et ontologiques se cristallisent autour de la notion de propriété. La possession individuelle du sol a-t-elle précédé la possession collective ou lui a-t-elle succédé?La possession du sol par la collectivité villageoise est-elle un fait limité à certains groupes ethniques et à la phase primitive de la société humaine, ou bien ne peut-on concevoir une société moderne basée sur cette forme archaïque de démocratie économique?Les premières études de communautés se rattachent à des courants de pensée différents: le réformisme social et la philosophie, qui donnèrent naissance à la sociologie ; l’histoire naturelle et ce qu’on a appelé «l’esprit d’antiquaire», qui donnèrent naissance à l’ethnologie.Tout autre apparaît, de prime abord, la tradition américaine, qui étudie les aspects et caractéristiques psychosociologiques du groupe formant une communauté, qu’il s’agisse de communautés rurales, urbaines ou autres.Sans nier ce que l’opposition entre écoles européennes et écoles américaines peut avoir de fondé, on peut prétendre qu’elle tend à masquer l’essentiel: la similitude des objectifs et des concepts sociologiques, celle des méthodes. Une communauté forme en effet un tout. Le sociologue se doit, par conséquent, d’étudier le fonctionnement de cette totalité en vue, bien souvent, de promouvoir des réformes ou susciter des interventions de développement. Plus que toute autre, la sociologie des études de communautés vise à l’action politique. Il s’agit, d’autre part, de comprendre la société étudiée «de l’intérieur». Le chercheur pratiquera, seul ou conjointement à d’autres, la méthode d’observation-participation, méthode qui lui permet de s’insérer dans la vie du groupe.Depuis les années soixante-dix, la sociologie des études de communautés s’est considérablement renouvelée, notamment sous l’influence de ce que l’on appelle l’éthnométhodologie qui a mis l’accent sur les phénomènes d’interaction sociale et de communication interpersonnelle dans la vie quotidienne. En même temps que la discipline se renouvelait, une plus grande attention était accordée aux problèmes spécifiques posés par ce type d’approche, qui réserve une grande place à la subjectivité du sociologue et à celle des sujets étudiés.1. Le choix et les raisons du choixDans toute enquête sociologique classique, l’échantillonnage est fondamental. Si le choix des communautés par divers auteurs est beaucoup moins rigoureux, il n’est pas le seul fruit du hasard. Le souci de promouvoir ou de susciter une réforme sociale est, dans certains cas, déterminant. Très souvent, cette préoccupation réformiste s’inscrit dans une perspective comparative qui engloberait sociétés traditionnelles et sociétés industrielles. Ces deux thèmes interfèrent entre eux et avec un troisième: la communauté est une entité relativement autonome.La réforme socialeL’un des problèmes les plus difficiles qui soient posés à la sociologie de la connaissance est celui des rapports entre science et idéologie, science et action politique. Si les grands penseurs du XIXe siècle n’avaient pas honte d’être des doctrinaires, aucun sociologue ne se hasarderait, aujourd’hui, à élaborer une «doctrine sociale». Pourtant, l’un des objectifs des auteurs d’études de communautés reste, sous une forme ou sous une autre, la réforme sociale, ce qui n’exclut pas un enrichissement dans la connaissance du mode de vie des groupes humains.W. L. Warner, avant de diriger l’enquête la plus importante qui ait jamais été faite sur une petite ville américaine de 17 000 habitants, «Yankee City», étudie une communauté primitive australienne afin de comprendre comment l’homme moderne peut être rendu meilleur. Rêvant d’une vaste fresque comparative de tous les types de communautés du monde, il cherche le contre-type de sa société primitive australienne, une petite ville américaine «bien intégrée».Les travaux sur place durèrent cinq ans (1930-1935). Le dépouillement des données recueillies par trente chercheurs a demandé près de vingt ans. Les premiers volumes rendant compte de l’enquête ont commencé à paraître en 1941. L’apport le plus intéressant des recherches de Warner concerne la stratification sociale et la définition de six «classes», allant de la classe supérieure de premier rang (upper-upper ) à la classe inférieure de second rang (lower-lower ). Ces classes ne correspondent pas seulement à un niveau de vie, mais à un sentiment de prestige social: «Par classe, nous entendons l’ordre selon lequel sont rangés par leurs concitoyens les membres de la communauté.» Cette théorie, très controversée, eut aux États-Unis valeur de révélation, en montrant l’existence d’un système de classes, contrairement aux vues traditionnelles.W. H. Whyte, par une méthode toute différente de celle de Warner, puisqu’il était seul, étudie, à partir de 1937, un quartier populaire d’une grande ville de l’est des États-Unis, habité par des émigrés italiens, Street Corner Society. Il a vécu trois ans et demi dans ce quartier, partageant l’existence de ses habitants, s’intégrant aux groupes, de jeunes notamment. Sous l’apparence inorganisée des relations de groupe, il découvrit un certain nombre de structures, plus ou moins reconnues par les membres du groupe, et qui en assuraient la vie et le fonctionnement. Il en eut la «révélation» au cours d’une partie de boules à laquelle lui-même participait, en écoutant les prédictions du «leader» et de ses deux lieutenants sur les chances de chacun dans la partie. Cette étude, si différente de celle de Warner, s’en rapproche pourtant sur un point: Whyte pense que son intérêt pour l’économie et la réforme sociale explique en partie sa recherche et le choix qu’il fit de «son» quartier populeux.En Europe, à la même époque, l’école roumaine, dirigée par D. Gusti et H. H. Stahl, a développé toute une théorie des rapports entre sociologie et politique. La monographie sociologique de Nerej, village archaïque de Roumanie, n’était, dans l’esprit de ses auteurs, que la première pierre «d’une science de la nation», fondée sur l’analyse du «cadre psychique» des collectivités. «La politique scientifique, écrit Gusti, a besoin de connaître toutes les relations qui existent entre tous les détails de la vie sociale, et non pas seulement quelques détails, afin de pouvoir attaquer la réforme des structures sociales.»On connaît les actions de réforme et de développement entreprises dans les pays sous-développés, actions préparées à partir d’études de communautés. Dans La Fin des paysans (1967), H. Mendras, après avoir noté que le problème majeur posé par le monde actuel aux sciences sociales était la situation de «un ou deux milliards de paysans au seuil de la civilisation industrielle», ambitionnait de «façonner l’ébauche d’une harmonie agricole du XXIe siècle». E. Goffman, qui commença sa carrière de sociologue à l’école de Chicago et que l’on peut rattacher à l’ethnométhodologie, était convaincu que sa sociologie était un moyen de transformation de la société.Personne, aujourd’hui, ne reprendrait à son compte cette définition que donnait Le Play de sa méthode des enquêtes monographiques: «Le vrai moyen de réforme: il consiste à rechercher, par une étude directe, la coutume nationale des temps de prospérité ou la pratique actuelle des sociétés modèles.» On peut voir cependant que, sur ce point, la conception des auteurs d’études de communautés n’a pas varié depuis un siècle.Sociétés traditionnelles et industrielles; le postulat de totalitéUne longue tradition sociologique tend à fonder la dichotomie entre sociétés traditionnelles et sociétés industrielles. À la fin du XIXe siècle, le sociologue allemand Tonnies opposait Gemeinschaft (communauté) et Gesellschaft (société). Durkheim, quant à lui, opposait la «solidarité mécanique» entre semblables, dans les sociétés traditionnelles, et la «solidarité organique» entre individus différents et complémentaires dans les sociétés modernes. Plus tard, Friedmann reprit à son compte cette distinction en différenciant le «milieu naturel» des campagnes du «milieu technique» des villes.Dans cette perspective, nombre d’auteurs se sont efforcés de trouver une communauté originale susceptible d’enrichir la gamme des types de communautés qui, selon le sociologue américain R. Redfield, s’étendrait sur un continuum allant du plus traditionnel au moins traditionnel (folk society et urban society ).Bien que tous s’accordent pour dire qu’une communauté appartient à un ensemble socio-culturel plus vaste, ils tendent néanmoins à la considérer comme un microcosme. W. L. Warner voulait étudier une petite ville séparée du reste du monde «par une ceinture agricole». Pour Mendras, la société paysanne traditionnelle définie comme «un ensemble relativement autonome au sein d’une société globale plus large» restait, à la fin des années soixante, «un schéma explicatif pour comprendre la logique de fonctionnement de collectivités rurales en refonte complète». C’est parce qu’ils considéraient la communauté «en soi» que certains généticiens, tel le docteur Sutter, ont défini la notion d’isolat démographique et social. Notion statistique, théorique, l’isolat des généticiens se définit ainsi: «Effectif de personnes d’âge compatible au mariage avec un individu et parmi lesquelles celui-ci peut trouver un conjoint (zone d’intermariage). La dimension de l’isolat est inversement proportionnelle aux taux d’endogamie.»Considérer une communauté comme une totalité a, certes, permis de faire des découvertes intéressantes. Ce ne fut, toutefois, qu’une étape dans la connaissance des phénomènes sociaux étudiés.La plupart des auteurs d’études de communautés ne se donnaient pas les outils conceptuels nécessaires à l’étude des phénomènes observés: ou bien ils privilégiaient ce qui était caractéristique des communautés, et, par là même, ils s’interdisaient toute possibilité de comparaison ultérieure; ou bien ils privilégiaient ce qui n’était pas caractéristique, et ils restaient dans le domaine des théories comparatives qui relèvent plus de l’idéologie que de la science.Le postulat de totalité a donc été abandonné et nombre d’études de communautés, de petits groupes ou d’associations singulières ont permis de poser des problèmes qui valaient, aussi, pour d’autres communautés ou petits groupes de la société étudiée et donc, par conséquent, pour toute cette société. Les travaux, par exemple, de E. R. Leach, E. Evans-Pritchard, G. Balandier, H. Mendras ont posé le difficile problème du développement historique des sociétés traditionnelles et de leurs transformations au contact des sociétés industrielles.Lévi-Strauss, Murdock ont élaboré, à partir d’observations ethnologiques, des outils conceptuels qui permettent d’analyser les règles de parenté, la vie mythologique (Lévi-Strauss), et la cohérence d’une structure sociale globale, résultants de l’imbrication de plusieurs sous-structures: familiale, de parenté, politique (Murdock). On a, à partir du cas d’un groupe religieux singulier, les anabaptistes-mennonites de France, étudié comment ce groupe s’est maintenu du XVIIe siècle à nos jours, au prix de quelles transformations internes et comment, à travers les époques, la société globale a réagi face à ce groupe (J. Séguy).2. La méthode d’observation-participation et l’analyse conceptuelleL’un des apports fondamentaux des études de communautés est la méthode d’observation-participation. Cette méthode, qui implique que l’observateur se mêle plus ou moins à la vie du groupe étudié, est généralement considérée comme relevant de l’intuition du chercheur. Elle ne serait pas, de ce fait, susceptible d’être codifiée, ni enseignée.Cette position de principe demande à être nuancée: en effet, l’interprétation d’une simple table statistique exige un certain esprit de finesse. De plus, on n’a pas assez remarqué que la méthode d’observation-participation fait appel, dans tous les cas, à une démarche intellectuelle identique. Parmi tous les faits observés, certains sont plus révélateurs que d’autres du groupe étudié et permettent d’élaborer des conjectures relatives à la vie de ce groupe.Un exemple, tiré de La Russie en 1839 du marquis de Custine, illustrera ce point. «Ce fut avant-hier, entre neuf et dix heures, que j’obtins la libre entrée de Pétersbourg. [...] Les mouvements des hommes que je rencontrais me paraissaient roides et gênés; chaque geste exprime une volonté qui n’est point celle de l’homme qui le fait; tous ceux que je voyais passer portaient des ordres. Le matin est l’heure des commissions. Pas un individu ne paraissait marcher pour lui-même, et la vue de cette contrainte m’inspirait une tristesse involontaire.» Cette observation fait réfléchir Custine sur le despotisme et la tyrannie, et le conduit à conjecturer que le gouvernement russe «est la discipline du camp [militaire] substituée à l’ordre de la cité, c’est l’état de siège devenu l’état normal de la société».Peu importe, dans un premier temps, de savoir si cette observation et la conjecture que fait Custine sont justes. Il écrit cette lettre deux jours après sa «libre entrée» à Pétersbourg. Le fait relaté n’est donc plus un fait brut. Les lectures faites avant son voyage, les difficultés lors de son passage à la douane, les impressions reçues entre le moment de son entrée à Pétersbourg et celui où il rédige sa lettre ont modelé sa perception. Au soulagement d’en avoir terminé avec les tracasseries administratives (première phase) succède «une tristesse involontaire». Custine réagit à l’événement avec sa sensibilité d’homme de lettres français de la première moitié du XIXe siècle. Le sociologue, placé dans des conditions analogues, réagit de même, mais s’exprime en des termes dont toute sensibilité est bannie.Un exemple, tiré de la littérature américaine, montrera comment il est possible, à partir de situations semblables à la précédente, de passer d’une simple conjecture suscitée par l’observation d’un fait à une explication sociologique. H. S. Becker, auteur d’une recherche sur les étudiants en médecine, Boys in white , avait noté que les étudiants désignaient une certaine catégorie de malades psychosomatiques par un mot d’argot, crock , prononcé avec mépris. D’autres observations lui avaient suggéré une théorie selon laquelle les étudiants classaient les malades selon des critères dérivés du type de problème que ces malades posaient aux étudiants. Autrement dit, la relation étudiant en médecine-malade était primordiale. La recherche consistait, d’une part, à vérifier la théorie explicative proposée et, d’autre part, à élucider, dans ce contexte d’inter-relations, la signification pour les étudiants du mot crock .L’enquête permit de découvrir que les étudiants étaient surtout préoccupés par leur avenir. Ils se voyaient, pour la plupart, médecins de quartier devant soigner les maladies courantes. Cette projection sur l’avenir commandait leur intérêt pour les études médicales: ils savaient que, placés plus tard devant un crock , ils n’auraient pas à le soigner mais l’enverraient à un spécialiste. Étudier un crock ne leur paraissait donc d’aucune utilité pour l’exercice futur de leur profession, d’où le mépris avec lequel ils en parlaient entre eux.Après cette étude, Becker pense que toute recherche sur un groupe (qu’il s’agisse ou non d’une communauté) fondée sur la méthode d’observation-participation pourrait s’organiser en quatre phases:1. La sélection et la définition des problèmes à étudier, après une immersion prolongée dans la vie du groupe, sans idées préconçues. Cette première phase se terminerait par la traduction des observations significatives en outils conceptuels assortis d’indices mesurables.2. La mesure de la fréquence des phénomènes observés. Dans le cas où l’on a affaire à des objets statistiquement non mesurables, le chercheur a intérêt à inventer des moyens de mesure appropriés aux matériaux recueillis.3. L’esquisse d’un modèle explicatif ou d’une théorie du système social étudié, susceptible de rendre compte de tous les phénomènes observés.4. L’organisation et la présentation de la recherche de façon à rendre évidente la démarche suivie par le chercheur et la validité que l’on peut accorder aux résultats présentés.Le point crucial, ici, est la traduction des observations significatives en outils conceptuels assortis d’indices mesurables.La tâche est délicate, mais possible comme l’ont montré les travaux de A. B. Hollingshead sur les classes sociales d’Elmtown définies par des «traits typiques» obtenus après analyse d’entretiens sur les constellations de traits de culture spécifiques à chaque classe (Elmtown’s Youth ), ou ceux de J. Cuisenier sur les rôles familiaux, économiques et politiques définis après analyse d’entretiens sur les attentes relatives à la maîtrise des processus de reproduction (Âge et sexe dans la société provinciale française ).La méthode d’observation-participation peut soulever un problème éthique quand des sociologues, qui disent avoir le souci d’être le plus près possible des sujets étudiés, cachent leur identité de sociologue – et le micro de leur magnétophone – pour obtenir des informations que, sans cela disent-ils, ils n’obtiendraient pas.3. Qu’est-ce qu’une communauté?La définition du mot «communauté» pose des problèmes non encore résolus. Un des usages les plus anciens du mot est celui de communauté taisible, héritière du manse et chaînon entre lui et le ménage. C’est un groupement d’agnats dans une maison commune, sous l’autorité d’un chef ou «maître», élu par ses «compains», qui administrait la propriété commune.On trouve deux types de définitions non opératoires. D’abord des définitions «générales»; ainsi en est-il de la définition de C. M. Arensberg: «Les communautés sont des unités structurales d’organisation et de transmission culturelle et sociale».Une seconde définition de ce type, inspirée des travaux de G. A. Hillery, qui compara, en 1955, 94 définitions différentes du mot «communauté» dans la seule littérature anglo-saxonne, rend compte de tous les genres de communautés possibles, familiales, religieuses, de travail, rurales, urbaines, etc.: «Une communauté est une collectivité dont les membres sont liés par un fort sentiment de participation.»Qu’y a-t-il de commun entre le «sentiment de participation» qui lie les jeunes émigrés italiens de Street Corner Society et celui qui lie les paysans de Nerej, village archaïque de Roumanie?On trouve également des définitions «particulières». Ainsi en est-il des définitions relatives aux communautés rurales dont Chiva a tenté la synthèse: «Une communauté rurale est un ensemble de foyers détenant un territoire et liés entre eux de telle sorte que l’ensemble est compétent pour intervenir selon des normes précises dans l’activité économique et les droits juridiques de chacun des foyers. C’est le groupe qui règle l’ensemble de la vie collective. Cette unité spécifique satisfait à toutes les fonctions de la vie sociale. Seule ou reliée à des ensembles plus complexes, la communauté villageoise assure la subsistance matérielle et morale de l’individu. Elle remplit nombre de fonctions assurées ailleurs par un pouvoir supérieur.»Ces définitions, au fond, ne sont guère différentes de la notion courante du terme, donnée par le Robert (édition de 1967): «Groupe social caractérisé par le fait de vivre ensemble, de posséder des biens communs, d’avoir des intérêts, un but communs».On ne définit plus la communauté à partir de son sens dans le langage usuel mais on identifie, au niveau du langage de la recherche, un objet scientifique particulier dont on étudie un certain nombre de caractères. Sur le plan théorique, on reprend, avec N. Elias notamment, la question des rapports entre individus et société et l’on refuse toute opposition de ces deux termes pour étudier les processus de civilisation et de formation des personnalités dans une société et à une époque données.La vérification des résultats obtenus n’a, en fait, guère préoccupé la majorité des auteurs d’études de communautés.Voulant «épuiser toute la réalité sociale» par des enquêtes complètes (Gusti), il n’était pas possible d’élaborer une théorie satisfaisante ni, par conséquent, de la vérifier. De plus, présenter une théorie sur une communauté restreinte et particulière n’aurait eu aucun sens. Le lecteur en était donc réduit à «faire confiance» à l’auteur. Certes, la masse des observations et conjectures était garante d’un effort d’objectivité, mais les possibilités de contrôler ces informations étaient très aléatoires. Rares sont les auteurs qui, tel W. H. Whyte, ont publié une analyse de leur propre démarche sur le terrain, jouant ainsi «cartes sur table».Les développements de la sociologie ont permis d’envisager le problème de la vérification appliquée aux études de communautés sous un jour nouveau. Mais, comme la vérification d’une théorie sociologique est fonction de l’objet étudié (plus celui-ci est simple et plus la théorie pourra être vérifiée), il se produit, par effet d’un choc en retour, des changements dans la conception des études de communautés. On cherche de moins en moins à étudier une communauté dans sa «totalité». On se limite, au contraire, à un seul problème, ou groupe de problèmes, analysé avec toute la rigueur possible. Cette démarche requiert, chez les auteurs d’études de communautés, un grand esprit de finesse. Les préoccupations réformistes passent au second plan, dans la mesure où le chercheur se sent mieux armé pour présenter une théorie explicative de la réalité sociale étudiée, indépendamment de toute préoccupation idéologique ou politique. Reste, toutefois, un problème: la détermination d’un objet d’étude pertinent. La méthode d’observation-participation reste, ici, l’instrument essentiel dont dispose le chercheur. C’est aussi l’un des plus difficiles à codifier, puisqu’il engage toute sa personnalité.
Encyclopédie Universelle. 2012.